Retour d’expérience #01 : Voler avec un drone en Himalaya

J’ai eu l’occasion, ce printemps, d’emmagasiner un peu d’expérience sur la réalisation de prises de vues par drone, et notamment de le glisser dans mes bagages durant une expédition en Himalaya, plus précisément dans la région du Mustang, au Népal. Cette expédition, sur une durée de trois semaines, se déroulait fin mai, un mois à peine après les tremblements de terre qui ont secoué l’ancien royaume himalayen.

 

Mustang : retour au Nepal (version française) from Tonio Nicolazzi on Vimeo.

 

Ce voyage était le premier “grand” voyage que j’effectuais avec mon drone. C’était également un voyage réalisé dans les conditions “habituelles” dans lesquelles j’évolue dans l’arc himalayen : des sentiers, en altitude (jusqu’à 5400 m cette fois-ci), une longue durée (trois semaines), des périodes assez longues sans accès au courant électrique (dix jours consécutifs), une équipe locale chargée du portage (hommes et/ou animaux de bât).
Comme précisé dans un post précédent, le choix de mes appareils (drone et/ou capteur) a été dicté par ces contraintes. Restait, après expérience sur le terrain, à valider —ou non— la pertinence de ces choix matériels. D’où cet article, qui aborde des thématiques assez larges sur ce sujet…

Transport en avion

Comment se déroule le transport en avion ? Doit-on enregistrer le drone en soute ou bien voyage-t-il en cabine ? Après avoir consulté les consignes de Qatar Airways sur la question, j’ai pu constater que, plus que le drone proprement dit, c’est la question des batteries qui était déterminante. Chaque batterie de mon DJI Phantom embarquant une capacité de 57 Wh, elle était supposée voyager en cabine. La totalité de mon matériel (drone, radiocommande, batteries, cables et chargeurs, caméra…) tient dans une valise étanche type 61 (un clone de Pelicase, qui ne propose toujours pas de modèle dédié aux drones). Sa taille est compatible avec un emport en bagage cabine. Le reste de mon matériel photo (Nikon D800 et ses optiques) voyageait dans un sac photo séparé.

Formalités à l’aéroport

Aucun problème lors du passage des contrôles de sécurité dans les différents aéroports. À la réaction des personnels de sécurité, on devine que le nombre de drones qui voyage en avion n’est pas encore très élevé (le type à Roissy avait l’air ravi de voir un drone dans sa petite télé…). Par contre, il faut juste penser à bien retirer les éléments tels que les tournevis, que l’on peut avoir dans la malette pour démonter la caméra ou remplacer divers éléments sur le terrain.

Transport sur place

Ma valise étant étanche et dotée de mousses internes, elle a pu voyager sans souci dans les bus locaux népalais, aussi bien sur les toits que dans les coffres divers. Pour une question de sécurité, je l’avais équipée de deux cadenas fils de type TSA (qu’un type débrouillard est capable d’ouvrir un quinze seconde, au demeurant). La valise s’est avérée suffisamment solide, même si la qualité n’a a priori rien à voir avec une “vraie” Pelicase (que j’attends avec impatience…).

transport d'un drone dans une valise type 61 en Himalaya.
transport d’un drone dans une valise type 61 en Himalaya.

L’autre paramètre qui me restait à confirmer était le transport “à dos d’homme”, ou sur des animaux de bât. Cette dernière option n’a jamais été retenue, de manière à pouvoir garder et/ou utiliser le drone à tout moment dans la journée. Le drone était donc pris en charge soit par un porteur népalais, soit par moi-même. Le plus simple était de la fixer solidement avec des cordes sur un autre sac, et de la retirer en cas de besoin ou pour accéder au reste du contenu du bagage. Lors des utilisaitons, le temps de mise en œuvre ne dépassait pas deux à trois minutes, ce qui est tout à fait acceptable.

Recharge des batteries

La question des batteries est un point-clé, qui détermine la quantité d’images que l’on va pouvoir rapporter. Je suis équipé de 4 batteries, soit une autonomie de vol de 13 minutes au niveau de la mer en conditions de prises de vue (précisons que mon drone est équipé d’une nacelle stabilisatrice Zenmuse H3–3D, et que je “rentre” systématiquement autour des 30–35% de batterie, pour éviter d’aller pomper dans les accus, ce qui nuit à leur longévité). Sur les dix jours loin du courant électrique, je pouvais donc compter sur environ 50 mn de prise de vue, ceci sans compter sur l’altitude, qui allait, sans aucun doute plomber mon autonomie. N’ayant aucun moyen de recharger mes batteries sur le secteur, j’avais emporté une batterie tampon Goalzero Sherpa 100, d’une capacité de 100 Wh, qui m’a permis de recharger une cinquième batterie. Mon panneau solaire de 13W (Goalzero également), ne m’a hélas pas permis d’en fait davantage. Pour ceux qui envisageraient de recharger leurs batteries de drone sur du solaire, il va vous falloir songer à l’artillerie lourde… J’aurai l’occaison d’y revenir prochainement dans un autre article.

Cartes mémoire

Aucun souci de ce côté là. J’utilise des cartes micro SDHC de 32 Go, de classe 10 / UHS–1. J’ai dû remplir 26 Go d’images, pour environ 2h25 de prise de vue. Rappelons juste (car certains ne le savent pas) que le flux vidéo délivré par une GoPro suppose que vous l’utilisiez avec une carte de classe 10 minimum.

Le vol en altitude

La pression atmosphérique baisse avec l’altitude. A 5000 m, il y a deux fois moins d’air qu’au niveau de la mer. Les hélices sont donc sensées tourner deux fois plus pour soulever le même poids. On doit donc s’attendre à une autonomie en forte baisse. J’ai volé à des altitudes comprises entre 3000 et 4800 m, sans réel problème. En règle générale, mes temps de vol étaient compris entre 8 et 11 minutes, ce qui est tout à fait correct. On a déjà largement de quoi faire, surtout si (mais comment faire autrement ?) on a un peu préparé son plan de vol en fonction des séquences que l’on souhaite filmer.

Prises de vue

Au Mustang, la difficulté principale que j’ai rencontrée est le vent, qui se lève imperturbablement vers 10h du matin, pour se calmer vers 19h, après le coucher du soleil. Quand je parle de vent, c’est plutôt du VENT… Constament fort, avec des rafales parfois violentes. Autrement dit : quasiment impossible de voler après 10h du matin, sauf exception. Dommage pour les couchers de soleil. Je regrette vivement de ne pas avoir pu voler au coucher du soleil au dessus des falaises rouges de Dhakmar. Quelqu’un aura sans doute plus de chance que moi un jour ou l’autre. Quant aux vols du matin, ils sont idéaux dans la demi-heure qui suit le lever du soleil, la lumière devenant rapidement assez crue. Mais bon, il m’est arrivé de voler un peu plus tard, avec des images qui restent correctes.

Perception des populations locales

J’étais assez inquiet sur ce point, dans la mesure où les populations du Mustang s’avèrent parfois très supersticieuses et sensibles aux dérangements des divinités protectrices. Pas question, évidemment, d’aller survoler les lieux sacrés, comme ça, au débotté, ne serait-ce que pour des questions de respect bien légitimes. D’une manière générale, j’ai été très agréablement accueilli partout où j’ai eu l’occasion de voler. J’ai pris le temps d’expliquer ce que je faisais, de faire voir et toucher le matériel, de montrer mes prises de vues lorsque je le pouvais, et le drone s’est avéré être un formidable ambassadeur pour rencontrer les populations du Mustang. Le fait que très peu de drones (voire aucun) aient volé au Mustang jusqu’à présent a certainement joué en ma faveur. Malgré tout, il me semble que la clé d’une bonne perception par les populations locales est avant tout de faire preuve de psychologie. L’expérience, la maîtrise de la langue locale, le sourire, le partage… seront autant d’alliés pour ceux qui souhaiteront renouveler l’expérience.

Bilan

Après cette première expérience, je dois avouer que je suis enthousiaste. Côté matériel, même si je trouve qu’il manque encore à la GoPro un mode 1080p@60 fps + photos simultanées 12 Mpx pour être parfaite, je rapporte des images réellement inédites, qui valident totalement cette démarche “drone”, dans laquelle je me suis engagé. Travailler comme photographe-vidéaste avec ce genre d’appareil lorsqu’on est accompagné de porteurs (peu d’équipement à la journée à porter) est tout à fait faisable, même si le poids global du matériel à trimbaler s’alourdit de 5 à 10 kg selon l’équipement (valise ou non, nombre de batteries ou de chargeurs…). Merci aux 30kg en soute prévus par la Qatar ; entre les bottes d’expé, le piolet, les mousquetons, baudriers, etc, ils n’auront pas été superflus…